"Oups"

Meta a obtenu, via une procédure judiciaire américaine, qu’elle interdise à son ancienne directrice des politiques publiques mondiales de Facebook, Sarah Wynn-Williams, de faire la promotion de son livre. Mais, avec l’effet Streisand de cette décision, ce livre est devenu un best-seller.
Meta a gagné une première bataille judiciaire contre son ancienne directrice des politiques publiques mondiales de Facebook, Sarah Wynn-Williams : comme le racontait TechCrunch, il y a une semaine, dans une procédure d’urgence, une procédure judiciaire américaine a interdit à l’autrice du livre « Careless People: A Cautionary Tale of Power, Greed, and Lost Idealism » d’en faire la promotion [PDF].
Comme nous l’expliquions, il y a 15 jours, l’ex-directrice des politiques publiques mondiales de Facebook est entrée en conflit direct avec son ancienne entreprise : elle a déposé une plainte devant la Securities and Exchange Commission (SEC) en avril 2024 et vient de publier ce livre titré qui raconte les coulisses de l’entreprise qui deviendra Meta. Elle y raconte, par exemple, comment Facebook aurait créé un outil de censure pour pouvoir entrer sur le marché chinois.
Mais cette décision en urgence n’a semble-t-il pas freiné les ventes de Careless People et potentiellement déclenché un effet Streisand. En effet, comme l’explique le Washington Post ce samedi, le livre était, ce week-end, troisième dans la liste des meilleures ventes d’Amazon. Et il était déjà entré quasiment directement dans la liste des best-sellers « nonfiction » du New York Times un peu plus tôt dans le mois.
La décision juridique interdit aussi à Sarah Wynn-Williams et toutes les personnes sous sa responsabilité (y compris ses avocats) « dans la mesure où [elle] en a le contrôle […] de poursuivre la publication ou la distribution de Careless People : A Cautionary Tale of Power, Greed, and Lost Idealism, y compris en ce qui concerne les versions électroniques et audio du livre ».
Mais cela n’empêche pas son éditeur, Flatiron Books, de poursuivre cette publication a expliqué un porte-parole de Macmillan, société mère de Flatiron, au New-York Times. L’entreprise a ajouté qu’elle continuerait d’en faire la promotion en assumant le contenu du livre :
« Nous sommes consternés par les tactiques de Meta visant à réduire notre auteur au silence en utilisant une clause de non-dénigrement dans un accord de licenciement. Le livre a fait l’objet d’un processus d’édition et d’approbation approfondi, et nous restons déterminés à publier des livres importants comme celui-ci ».
De son côté, Meta dénigre le livre en le qualifiant de « mélange d’affirmations périmées et déjà rapportées sur la société et de fausses accusations sur nos dirigeants ».
Cynisme à propos des attentats de 2015
Dans Careless People, l’autrice ne parle pas que des relations de la direction de Facebook avec la Chine. Sarah Wynn-Williams fait part aussi, par exemple, du regard de la direction de l’entreprise face au terrorisme. Un passage qui a marqué Éric Freyssinet, l’officier de gendarmerie au commandement du ministère de l’Intérieur dans le cyberespace (COMCYBER-MI). Celui-ci partage sur LinkedIn et Mastodon l’extrait en question :
« Cette année [2016], tout le monde à Davos se concentre sur le terrorisme. Deux mois après que des kamikazes et des hommes armés ont tué 130 personnes à Paris, dont 90 lors d’un concert au Bataclan. Sheryl [Sandberg, chief operating officer (COO) de Facebook/Meta de 2012 à 2022] envoie un email à l’équipe dirigeante depuis Davos, soulignant sans relâche comment le terrorisme joue en faveur de Facebook : « Le terrorisme signifie que la discussion sur la vie privée est “fondamentalement morte”, car les décideurs politiques sont plus préoccupés par le renseignement et la sécurité. » En d’autres termes, les gouvernements s’intéressent davantage à la surveillance qu’à la protection de la vie privée. Ce qui est bon pour les affaires de Facebook ».
Le gendarme, qui travaillait à ce moment-là dans la délégation chargée de la lutte contre les cybermenaces au ministère de l’Intérieur, qualifie cet email de la COO de Facebook de « cynisme intolérable ». Éric Freyssinet affirme, lui, que le « seul objectif [des autorités] était la recherche d’une plus grande efficacité et la possibilité pour les enquêteurs et les magistrats de mener les enquêtes judiciaires pour identifier les auteurs et si possible prévenir de futures infractions. À cette époque-là, il a fallu les efforts de nombreuses personnes pour arriver à convaincre les plateformes de ne plus diffuser les images atroces de l’intérieur du Bataclan par respect pour les victimes ».
Il ajoute : « je ne suis évidemment pas totalement surpris par l’existence de telles tentations au sein de ces entreprises, mais les voir aussi crûment exprimées me fait redoubler de soutien pour l’application ferme des réglementations européennes du DMA et du DSA ».
Harcèlements sexuels
Sarah Wynn-Williams y décrit aussi des scènes de harcèlement sexuel lors d’une soirée de la part de son responsable Joel Kaplan, qui était à l’époque vice-président chargé de la politique publique mondiale, comme l’explique NBC. L’entreprise a confirmé que Wynn-Williams avait accusé Kaplan de harcèlement sexuel, indique le média américain, mais Meta a déclaré qu’une enquête l’avait innocenté en 2017.
« Il s’agit plus d’une question de pouvoir que d’autre chose », explique-t-elle quand elle évoque le fait qu’il a commenté son apparence un soir.
Elle le décrit ensuite sur une piste de danse « se frottant à elle ». « Je me sens comme un objet abject. Je me dissocie momentanément et, dans mon esprit, je suis transportée dans les wagons bondés du métro new-yorkais par des journées chaudes et poisseuses, où les corps sont entassés et où il faut quelques instants à la tête pour isoler les différentes parties du corps pressées contre soi. Il faut encore quelques instants pour que l’alarme se déclenche », explique-t-elle, ajoutant qu’elle s’est rapidement réfugiée vers l’endroit le plus sûr qu’elle ait trouvé : à côté de la responsable des ressources humaines, ivre.